Un conte de Noël
P’tit Noël raconte :
A la veillée de chaque Noël, P'tit Noël aimait raconter ce souvenir merveilleux de son enfance ... Il commençait ainsi :
“Je suis né la veille de Noël. Et mes parents m’ont appelé P'tit Noël. Pour mon anniversaire, papa m’avait offert une torche en cire, blanche, très longue. Elle était magnifique !
En la regardant, m’est venue cette idée : partir bien avant les douze coups de minuit, être le premier à l’église et; avec la flamme de ma torche, éclairer les personnages de la crèche. Ce serait mon cadeau d’anniversaire !
J’allume ma torche ... Sur le chemin qui conduit à l’église, je suis heureux ! Ma torche lumineuse, je la lève bien haut ; puis, je l’abaisse vers le sol. Je la fais tournoyer en chantant à tue-tête ce refrain qui vient de naître en moi :
Torche, torche blanche,
brille, brille dans la nuit !
Me voilà près de l’atelier de Maître Jacques. C’est le boulanger du village. Il pleure. Maître Jacques, son bonnet blanc sur la tête et la figure enfouie dans son grand tablier blanc. Entre deux sanglots, il me dit :
- Ah, P'tit Noël, cela ne m’est jamais arrivé ! Je me suis endormi. Mon four est éteint ... un soir de Noël ! Il serait temps de cuire les cougnous ! Quelle honte pour un boulanger ! ... Prête-moi donc ton feu .
Et j’entre dans l’atelier. La pâte à cougnous sent bon le beurre frais. Mais entre les briques du four, tout est éteint et noir.
Alors je passe la flamme de ma torche dans les recoins du four. Maître Jacques y dépose brindilles et gros bois. Le feu reprend et je vois le visage du boulanger qui s’illumine ... Il y aura des cougnous pour la fête de demain ...
Et maintenant, vite à l’église !
Torche, torche blanche,
brille, brille dans la nuit !
Me voici devant la maison de Sophie. La porte s’ouvre brusquement. Elle sort, toute tremblante, et me fait signe d’approcher.
- P'tit Noël, il m’est arrivé un grand malheur : ma lampe et mon feu se sont éteints. Ma petite Marie risque de prendre froid dans son berceau. C’est le ciel qui t’envoie ...
J’entre. De ma torche, je rends vie à la lampe éteinte . Je vais à la cave chercher quelques bûches et je les caresse de la flamme brûlante. Quand les bûches crépitent dans le poêle, je reprends la route tout en interrogeant ma torche :
- Toi, tu as bien diminué. Qu’importe ! La crèche m’attend ...
Torche, torche blanche,
brille, brille dans la nuit !
Et la flamme éclaire mon chemin.
En tournant près de la petite chapelle, je vois des ombres qui s’allongent dans la nuit. Il y a un homme, une femme et trois enfants qui pleurent, accrochés aux manteaux de leurs parents. L’homme me montre sa lampe-tempête éteinte, morte. Il m’appelle :
- Oh ! mon garçon. Peux-tu nous aider ? Nous cherchons la maison de Thérèse du Grand Bois pour y passer Noël. Nous sommes perdus et les enfants ont peur ...
La maison de Thérèse du Grand Bois, c’est à quelques minutes. Et, devant les yeux éblouis des enfants, je tiens ma torche très haut. Elle chasse les peurs, c’est sûr !
Arrivés au Grand Bois, nous nous souhaitons bon Noël et je me retrouve seul avec ma torche.
- Toi, ma torche, tu as encore bien diminué. Allons ! L’église n’est plus loin ...
Alors, je me mets à courir, à courir de tout mon souffle. L’église approche ... mais j’entends soudain ... pfff ... pfff ... Elle s’est éteinte. De colère, je jette dans la neige ce qui reste de ma longue torche blanche. Dans ma tête, se brouille un air connu rempli de larmes :
Torche, torche blanche,
brille, brille dans la nuit !
Mort, mon beau rêve ! Cassée, ma joie !
Je pousse la porte de l’église où le sacristain a déjà allumé les bougies et le cierge. La lumière me fait mal aux yeux et brouille mon coeur. Je me rends auprès du petit Jésus. En le regardant, j’entends tout bas, pour moi, je te le jure :
Lecteur Jésus :
- P'tit Noël, pour le feu que tu m’as donné trois fois, je te donne paix, amour et joie !
Torche, torche blanche,
brille, brille dans la nuit !